DOSSIER : Clôtures et Prairies
 
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Une clôture pour limiter, enfermer, ou protéger ?

par Alain Willemart

Si le rôle des clôtures se bornait à fixer les limites d’une zone et que les chevaux comprenaient cela, la vie serait tellement plus paisible pour leurs propriétaires...
Mais voilà, contrairement aux humains (du moins, certains d’entre eux...), les chevaux ne peuvent malheureusement pas comprendre qu’au-delà de la droite fictive passant par telle et telle borne marquant les coins d’une parcelle, ils n’ont pas le droit de poser le pied.

Un enfant le comprendrait.
Il s’arrangera pour désobéir sans que vous vous en aperceviez, c’est légitime...
Un bon chien, bien dressé, le comprendrait aussi. Alors, pourquoi pas le cheval ?
Le cheval est pourtant loin d’être bête, mais voilà : il est herbivore.
Je vous mets au défi d’interdire à un chien, fut-il savant, de franchir une porte (ouverte) pour rejoindre une cour qui serait pavée de steaks blanc-bleu-belge ! Par ailleurs, en tant qu’herbivore, le cheval a toujours trouvé son salut dans la fuite, activité dans laquelle il excelle grâce à sa vitesse et à sa capacité de franchissement. Voilà pourquoi une simple explication ne suffit pas à endiguer la soif de liberté de nos braves fils du vent et de nos chères filles de l’air.

Les spahis, cavaliers militaires indigènes d’Afrique du Nord, dressaient leurs chevaux à rester en place, tout seuls, sans être attachés, les rênes passées par dessus la tête et pendant à terre. Mais cela se passait en Afrique du Nord, où les pâturages verts et tentants sont plus rares que chez nous. De plus, la convention "ne bouge pas, je reviens", obtenue au prix d’un dressage adapté, ne jouait probablement que lorsque le cheval était sellé, bridé et durant un laps de temps raisonnable...

La limite doit donc être matérialisée par quelque chose de concret et, si possible, d’infranchissable. Infranchissable ? Vous voulez dire : physiquement infranchissable ? Comme une cage à lions, comme une clôture pour rhinocéros ou pour ours, avec fossé en béton et douve, tels qu’au zoo d’Anvers !? Certes non. Pas "physiquement infranchissable", sans quoi toutes les prairies du pays seraient ceintes de murs en briques de 3 m de haut. Triste paysage... D’ailleurs, la clôture "physiquement" infranchissable existe-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Les directeurs de zoo en font quelquefois les frais, Steven Spielberg le premier ("Jurassic Park"). Tantôt, l’animal intelligent trouve la parade, tantôt la nature vient à son aide (chute d’arbre créant une brèche, par exemple) ; ou alors, sa force est sous-estimée. Dans ce dernier cas, le cheval risque des blessures graves. Dans tous les cas, que d’investissements perdus ! Quel gaspillage de matériaux et de temps... Une bonne clôture doit donc être "Psychologiquement infranchissable". C’est-à-dire que dans le chef du cheval, la crainte du franchissement doit l’emporter sur son désir de liberté ou sur la peur qui le pousse à fuir au-delà des limites.

"Psychologiquement infranchissable"

Pour qu’une clôture soit psychologiquement infranchissable, elle doit répondre à trois critères :

1° Elle doit être crainte par le cheval.

2° Elle doit être bien visible, et ce, en toute circonstance.

3° Elle doit rester en bon état car le cheval décèlera vite une faiblesse et en profitera.

Dans l’esprit du cheval, une clôture peut être crainte pour deux raisons : parce qu’elle risque de constituer un obstacle douloureux s’il fonce à travers et parce qu’il ne fait déjà pas bon s’en approcher doucement (fut-ce pour s’y gratter la cuisse), donc a fortiori en fonçant dessus (du moins c’est ce qu’il croit). Dans le premier cas, la crainte est causée par l’aspect contondant de l’enceinte. Cet aspect est garanti par les barrières solides et rigides en lices de ciment ou de bois. Mais comme l’aspect seul compte ici, les barrière en lices de plastique ou les clôtures en ruban synthétique remplissent le même office. Dans le second cas, il s’agit de clôture au contact désagréable, voire douloureux ou blessant. Vous l’avez compris : il s’agit des clôtures en fils barbelés et des clôtures électrifiées dont la décharge "pique" le cheval. Les clôtures électrifiées sont infiniment plus efficaces sur ce point car le cheval ignore ce qui le pique exactement, contrairement au barbelé dont il peut discerner les piquants visuellement et tactilement. Par conséquent, si on peut imaginer qu’il "pèse" les risques encourus à sauter au-dessus d’un barbelé, il sera incapable de "peser" les mêmes risques au-dessus de ce mystérieux fil qui "mord" dès qu’on l’approche. "Peut-être mord-t-il davantage si je saute ?" se dira-t-il ? Cela explique pourquoi les grands sauteurs capables de franchir des barres de plus de 2 m, ne se hasardent pas à franchir un ruban de 1,30 m.

L’enceinte de la prairie, du paddock, de la stabulation libre doit être bien visible pour l’oeil du cheval. A ce sujet, quelques précisions sur la perception oculaire des équidés ne sont peut-être pas superflues. Ce qui suit est basé sur les conclusions des vétérinaires de l’université du Colorado. Tout d’abord, la définition des images perçues par le cheval est faible : il voit flou. La cause de cette mauvaise vision semble être la grande taille de son oeil qui, en vision diurne, reçoit trop de lumière car son iris ne se referme pas assez. Le jour, nous voyons donc mieux que lui. En vision nocturne par contre, la tendance s’inverse. Le champ de vision est de 350 d° (chez l’homme, il est de 180 d°) et il comporte un angle mort devant le bout du nez. La perception des couleurs est elle aussi différente, mais les spécialistes ne s’accordent pas tous sur l’ampleur de cette différence : perception légèrement atténuée pour certains, vision en nuances de gris pour d’autres, certains affirment même que les chevaux sont daltoniens...

Sur le plan optique, il est certain que plus la structure de l’oeil est prévue pour la perception des mouvements, moins elle est adaptée à la perception des détails, et vice versa. Certains fabriquants de rubans électrifiés ont testé différentes couleurs de rubans : marron, vert ou blanc. Selon eux, le cheval distingue aussi bien, sinon mieux, les rubans verts ou marrons que les blancs. A priori, cela semble illogique : le cheval verrait tout flou et gris et malgré cela il percevrait aussi bien, sinon mieux, un trait ton sur ton (le vert du ruban et le vert de l’herbe, qu’un trait particulièrement contrasté (blanc sur vert) ! Mais à la réflexion, si les équidés n’ont pas la même perception des couleurs que nous, il n’y a pas de raison pour que leur perception des contrastes soit identique à la nôtre. Quant au daltonisme équin, il se peut que la perception de couleurs identiques (ruban vert, herbe verte) varie considérablement, comme chez les daltoniens humains, selon que les teintes sont naturelles ou synthétiques... Par ailleurs, pour un herbivore qui ne voit pas ce qui se trouve juste devant sont nez, ce serait un comble s’il n’était capable de distinguer la bonne herbe de la mauvaise...

Bref, si tout cela se vérifie (ce qui semble être le cas), il n’y a vraiment plus de raison d’enlaidir nos campagnes avec du ruban blanc ! Si le ruban vous tente, installez-en donc du marron ou du vert !

L’état de la clôture importe grandement car il y a fort à parier que le cheval, qui passe beaucoup de temps dans sa prairie, connaisse celle-ci comme sa poche. Une brèche dans une haie ne demande qu’à s’agrandir ; une solide clôture en ciment ou en bois ne demande qu’à s’affaiblir sous les 200 kg de poussée d’un cheval qui se gratte ; une clôture électrique court-circuitée, dont les batteries sont plates ou dont on a omis d’enclencher l’électrificateur n’est pas une clôture en état. A ce sujet, on s’aperçoit vite de ce qu’une coûteuse barrière en dur ou en bois, utilisée seule, sera très facilement abîmée par le cheval. Ne parlons même pas des clôtures en plastique, juste bonnes à contenir les assauts des nains de jardin... La nécessité de protéger une telle clôture avec une ligne électrifiée devient rapidement une nécessité. Or, une clôture électrique seule est moins coûteuse, plus facile à installer, car plus légère. De plus, bien adaptée et correctement installée, elle ne sera jamais dégradée par le cheval puisque ce dernier n’est pas censé s’en approcher. Bref, au moment du choix, ne songez pas uniquement au coût immédiat, mais aussi au budget à plus long terme.

Fiabilité et sécurité

Fiable et économique, la clôture électrique l’est, mais il se peut que cela ne suffise pas. En bordure d’une route ou d’un chemin, outre l’aspect juridique (voir encadré à ce sujet), un fil de fer ou un ruban se coupent sans aucun bruit à l’aide d’une petite pince ou d’une paire de ciseaux. Les mains mal intentionnées et celles des voleurs de chevaux le savent ! Les lices en bois ou en ciment offrent sur ce point un avantage évident. Un fil électrifié coupé peut déclencher un système d’alarme. Mais l’ingéniosité des voleurs amènera toujours ces derniers à contourner la difficulté... Pour les chevaux difficiles ou particulièrement vifs et nerveux, l’apprentissage progressif de la clôture électrifiée est une nécessité, car la "corde à vache" utilisée seule risque de ne pas être respectée au premier contact. La secousse sera tantôt ressentie sur la partie du corps qui touche le fil, tantôt sur celle qui touche le sol. La surprise provoquée par la première secousse électrique peut donc provoquer un réflexe d’avancement du cheval, ce qui est le contraire du but recherché ! Les éleveurs règlent généralement le problème chez tous les jeunes chevaux en leur apprenant la chose dès le plus jeune âge. Pour cela ils placent ceux-ci dans un enclos électrifié, doublé à l’extérieur d’un enclos conventionnel formant une bonne barrière visible. Après deux jours de ce "traitement", le cheval peut être lâché au milieu d’une clôture électrique seule. Il connaît !

Si malgré tout, l’accident survient, le type de clôture utilisé sera déterminant quant aux séquelles occasionnées sur le cheval. Par rapport aux fils de fer ou de nylon, les rubans offrent l’avantage d’une plus grande surface, donc d’une moindre pénétration. Certains résistent à une poussée allant jusqu’à 300 kg. Au delà de 300 kg (on y est vite), c’est la rupture et le cheval s’échappe. C’est à vous de voir, en fonction du caractère du cheval et de la situation des lieux, si l’accent doit être mis davantage sur la santé du cheval si, d’aventure, il tentait de s’échapper, ou bien sur celle des riverains et autres usagers que le cheval rencontrera sur son passage. A bon entendeur (de clôture), salut !
 
Bibliographie :
• La Sanglière, Puisque les chevaux voient flou !, Manuel de clôture 98, Damarie-en-Puisaye, 98.
• Claude Lux, Le cheval en pâture, Editions Maloine, Paris, 1993.

Extrait du n°260 de l'HippoNews
 

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